Addict
Lorsque ma mère a découvert le pot au roses, j'avais 17 ans. Pas de cris, pas de menaces, juste une mise en garde, en espérant que je comprendrais de moi-même avant qu'il ne soit trop tard. "Tu verras, elle va envahir ta vie insidieusement, tu ne pourras plus te passer d'elle. Chaque jour qui passe te la rendra plus indispensable, arrête tout de suite ou tu le regretteras".
Elle avait raison, ma mère. Sauf qu'à 17 ans, on sait mieux que les autres, on pense qu'on maîtrise tout, dans la vie. Grave erreur.
Les premières années ont été merveilleuses. Nous étions tout le temps ensemble ; elle me procurait, selon les situations, plaisir, réconfort, confiance en moi. Petit à petit, je me suis lassée, insidieusement comme avait dit ma mère. Sauf qu'elle s'accrochait. Impossible de m'en défaire. Pernicieuse, elle m'était devenue nécessaire : elle était là pour me consoler lorsque j'avais envie de pleurer... m'apaisait lorsque j'étais angoissée... me calmait lorsque j'étais énervée. Bref, une véritable béquille pour l'éclopée que j'étais.
Mais plus je me lassais et plus elle devenait envahissante. Sans que je me rende compte, telle une araignée qui tisse sa toile, elle avait tricoté un carcan tout autour de moi, une sorte d'armure dont je ne pouvais plus sortir. Elle a fini par me dégoûter. D'elle, bien sûr, mais surtout de moi. Pourquoi je ne dis pas "stop", une fois pour toutes ? Pourquoi est-ce que je manque à ce point de volonté ? Parce que je l'ai dans la peau, physiquement.
D'ailleurs à l'instant où j'écris, elle me regarde, immobile et sûre d'elle. Elle sait que tôt ou tard, c'est moi qui irai vers elle. Et pour mieux me séduire, ses petites volutes bleues dansent devant mes yeux, m'hypnotisent.
Il faut que j'arrête de fumer.